GIGA-Neurosciences

Les polluants environnementaux peuvent nuire au développement sexuel et à la fertilité des générations futures



L'exposition aux polluants environnementaux peut causer des altérations du développement du cerveau, altérations qui affectent le développement sexuel et la fertilité pendant plusieurs générations, selon une étude du Pr Anne-Simone Parent (Pédiatrie, ULiège - GIGA-Neurosciences- et CHU de Liège) présentée ce 19 mai 2019 à Lyon lors de la conférence annuelle de la Société Européenne d'Endocrinologie.

L

a progéniture de rates gravides exposées à un mélange de substances chimiques perturbatrices du système endocrinien (perturbateurs ndocriniens ou P.E. ), à des doses équivalentes à celles que l'on trouve habituellement chez les humains*, présente des troubles du développement sexuel et du comportement maternel transmis sur plusieurs générations, selon les observations des chercheurs.

Ces résultats suggèrent que les niveaux actuels de substances chimiques perturbatrices du système endocrinien dans notre environnement peuvent causer des dommages durables, et que les individus et les pouvoirs publics devraient prendre des mesures pour minimiser l'exposition à ces perturbateurs.

Les produits chimiques perturbateurs du système endocrinien ( perturbateurs endocriniens ou PE) peuvent interférer avec le fonctionnement normal de nos hormones et sont associés à l'infertilité et à des anomalies du développement chez les animaux et les humains. Les populations sont quotidiennement exposées à des centaines de ces polluants car ils sont utilisés dans la fabrication des plastiques, des pesticides et des médicaments. Cependant l'ampleur des dommages causés à notre santé et les conséquences pour les générations futures demeurent méconnues. Des études sur les rongeurs ont suggéré que l'exposition aux PE peut affecter le développement du cerveau sur plusieurs générations, mais les effets transgénérationnels sur le développement sexuel et la reproduction n'avaient pas été étudiés jusqu’à présent.

Dans cette étude, David Lopez Rodriguez, chercheur au laboratoire du Pr Dr Anne-Simone Parent à l'ULiège, a suivi le développement sexuel de trois générations de rats, dont seule la génération parentale a été exposée à un mélange de PE communs pendant la grossesse et la lactation. Les rats femelles nées des première et deuxième générations présentaient des déficiences dans les soins qu'elles prodiguaient à leurs propres petits alors que les rats femelles des deuxième et troisième générations présentaient un retard de puberté et une altération du cycle reproducteur et du développement des follicules ovariens, ce qui indique que leur fertilité était affectée, même si elles n'ont jamais été elles-mêmes exposées aux PE. Ces changements ont été associés à une altération de l'expression des gènes dans leur cerveau, dont on sait qu'ils affectent la régulation de la puberté et de la reproduction.

Pour le Pr Dr Anne-Simone Parent, « ces résultats soulèvent de réelles inquiétudes quant aux effets de ces polluants dans notre environnement. Nous avons constaté les effets des PE chez des générations d'animaux qui n'avaient pas été directement exposés aux produits chimiques. Nous n'avons exposé que la première génération et avons constaté des effets à long terme sur la fertilité chez les générations suivantes. Bien sûr, dans la vie de tous les jours, l'exposition à ces produits chimiques nocifs se poursuivrait, ce qui signifie que des dommages bien plus importants encore pourraient être observés. »

L'équipe de l’ULiège s'intéresse maintenant à la façon dont les changements se transmettent d'une génération à l'autre et cherche à déterminer si les soins maternels altérés sont le déclencheur du développement altéré au cours des générations suivantes.

David Lopez Rodriguez Rodriguez insiste : « Ces résultats soulèvent des questions sur l'héritage que nous léguerons aux générations futures. La législation européenne actuelle sur les PE ne tient pas compte de la façon dont les mélanges de polluants à faible dose dans notre environnement pourraient causer des dommages et affecter nos enfants et la faune pour les générations futures. Nos données suggèrent un besoin urgent de suivre le principe de précaution. »

 

Source

Les perturbateurs endocriniens modifient transgénérationnellement la synchronisation pubertaire par reprogrammation épigénétique de l'hypothalamus.

David Lopez Rodriguez1, Carlos Francisco Aylwin2, Arlette Gerard1, Silvia Blacher3, Ezio Tirelli4, Jean-Pierre Bourguignon1, Alejandro Lomniczi2, Anne-Simone Parent1

1 GIGA Neurosciences, Unité de Neuroendocrinologie, Université de Liège, Liège, Belgique.

2 Division of Genetics, Oregon National Primate Research Center, OHSU, Portland, Oregon, USA.

3 Tumor and Development Biology, GIGA-Cancer, Université de Liège, Liège, Belgique.

4 Département de psychologie, Cognition et comportement, Université de Liège, Liège, Belgique

 

Contacts

Pr Dr Anne-Simone Parent asparent@uliege.be

David Lopez Rodriguez dlopez@uliege.be 

GIGA Neurosciences, Université de Liège

 

 

* Des rats femelles (génération F0) ont été exposés par voie orale à un mélange de 14 SAE anti-androgènes et oestrogéniques ou d'huile de maïs pendant 2 semaines avant et pendant la gestation et jusqu'au sevrage. Le mélange était composé de plastifiants (BPA, DBP, DEHP), de fongicides/pesticides (Vinclozoline, Procymidon, Prochloraze, Epoxynazole, Linurone, p-p'-DDDT), de filtres UV (4-MBC, OMC), Butylparaben et l'Acétaminophène analgésique. Les doses se situaient dans la plage d'exposition humaine (µg/kg). Le développement sexuel et les paramètres reproductifs (ouverture vaginale, sécrétion de GnRH, cyclicité œstrale et folliculogenèse) ont été étudiés de la génération F1 à la génération F3. Le comportement maternel a été mesuré entre les générations F0 et F2. Au PND21, l'hypothalamus médiobasal des F1 et F3 a été prélevé pour l'analyse de l'expression génique (RNAseq, RT-PCR) ainsi que pour l'immunoprécipitation chromatinienne des modifications histoniques des régions régulatrices des gènes cibles.

 

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