GIGA-I3

La fibrose : une composante incontournable de l’arthrose



Raideurs et douleurs articulaires au réveil ou à l’effort ? Difficultés à se déplacer ? Tels sont les symptômes annonciateurs de l’arthrose, maladie articulaire la plus fréquente en médecine humaine. L’arthrose est une maladie chronique qui se caractérise par une dégradation lente et irréversible du cartilage qui se fissure progressivement jusqu’à son usure complète. L’imagerie médicale par radiographie permet généralement aux cliniciens rhumatologues de mettre en évidence un pincement articulaire, la présence d’ostéophytes et une sclérose de l’os sous-chondral. L’interaction entre les extrémités osseuses devient alors une source de blocages et de douleurs articulaires affectant fortement la qualité de vie des patients.

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lusieurs facteurs de risques ont été identifiés comme prédisposant au développement de l’arthrose. Parmi ceux-ci, l’âge et l’obésité ont été identifiés comme des critères majeurs. Dans une population dont l’espérance de vie et le surpoids tendent à augmenter, nous sommes tous concernés.

A l’heure actuelle, l’évolution de l’arthrose reste cependant impossible à endiguer : la prise en charge médicale atténue les symptômes, grâce à l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de glucocorticoïdes. En dernière ligne de traitement, la chirurgie est envisagée, avec la pose d’une prothèse dans les cas d’arthrose de genou ou de hanche.

C’est pourquoi les chercheurs tentent de mieux comprendre les mécanismes sous-tendant le développement de la maladie, et notamment au sein du laboratoire de Rhumatologie du Pr Michel Malaise et du Dr Dominique de Seny. Grâce à l’étroite collaboration avec l’équipe de chirurgie orthopédique du CHU, les chercheurs du laboratoire ont accès à des tissus articulaires humains qu’ils analysent au niveau moléculaire.

Concernant la physiopathologie générale, il a déjà été décrit que, par rapport à une articulation saine, les tissus d’une articulation arthrosique sont endommagés. Le relargage de morceaux de tissus qui s’en suit est capable de stimuler une réaction inflammatoire via le recrutement de macrophages dans l’articulation. Ceci explique en partie que le liquide articulaire des patients arthrosiques contient plus de médiateurs inflammatoires.

La fibrose peut survenir suite à la lésion d’un tissu ou succéder à une inflammation persistante. Cependant, les mécanismes moléculaires précis déclenchant ce phénomène ne sont pas encore bien connus. D’après la littérature, on sait que la fibrose peut être induite par le TGF-β (Transforming Growth Factor-β) et se caractérise notamment par l’accumulation de protéines spécifiques comme le collagène de type III ou l’a-SMA (a-smooth muscle actin).

L’articulation arthrosique faisant intervenir des lésions tissulaires et une inflammation chronique locale, les chercheurs ont émis l’hypothèse que le phénomène de fibrose pourrait survenir dans une articulation arthrosique, et en particulier au sein du cartilage. Ainsi, début 2019, les Drs Céline Deroyer, Edith Charlier et Carlos Vaamonde-Garcia, de l’équipe du Laboratoire de Rhumatologie ont publié de nombreux résultats relatant leurs avancées à ce sujet.

Ils ont pu observer l’accumulation des marqueurs de fibrose typiques en réponse à une stimulation par le TGF-β (connue pour stimuler la fibrose dans d’autres tissus) au sein des cellules articulaires arthrosiques. Parmi ces marqueurs, on notera le collagène de type III et la protéine a-SMA. En plus de ces 2 marqueurs, ils ont mis en évidence la protéine Cemip comme un marqueur de fibrose dans les cellules articulaires.

Ils ont ensuite observé l’accumulation de ces 3 marqueurs de fibrose in situ dans le cartilage arthrosique par rapport au cartilage normal et in vitro lors de la « dédifférenciation » des chondrocytes, les cellules qui composent le cartilage. Au vu des nombreuses similitudes entre un chondrocyte dédifférencié (qui acquiert des caractéristiques fibreuses) et les chondrocytes arthrosiques in situ, les chercheurs ont proposé que le modèle de dédifférenciation in vitro puisse représenter une composante de la pathologie.

L’équipe du laboratoire a aussi démontré l’importance de la protéine Cemip dans l’acquisition de caractéristiques fibreuses par ces chondrocytes. Dans leurs travaux, les chercheurs ont comparé le transcriptome de chondrocytes humains exprimant ou non la protéine Cemip grâce à la technologie de séquençage ARN. Ainsi, ils ont pu montrer qu’en l’absence de Cemip, l’expression du collagène de type III, d’α-SMA et de p-Smad-2 (un élément essentiel de la voie pro-fibrotique du TGF-β), était drastiquement diminuée.

Enfin, le laboratoire a également montré que la combinaison d’un glucocorticoïde (la prednisolone) et d’un agoniste de la voie du PPAR-γ (15-deoxy-Δ-12,14-prostaglandin J2, 15d-PGJ2), avait des propriétés anti-fibrosantes in vitro dans des fibroblastes synoviaux arthrosiques.

Toutes ensemble, ces découvertes soulignent l’importance de la fibrose dans la physiopathologie de l’arthrose et dès lors, ouvrent la voie au développement de stratégies thérapeutiques incluant des anti-fibrosants.

Références

Vaamonde-Garcia C, Malaise O, Charlier E, Deroyer C, Neuville S, Gillet P, Kurth W, Meijide-Failde R, Malaise MG and de Seny D. - 15-Deoxy-Delta-12, 14-prostaglandin J2 acts cooperatively with prednisolone to reduce TGF-beta-induced pro-fibrotic pathways in human osteoarthritis fibroblasts. - Biochem Pharmacol. 2019.

Deroyer C, Charlier E, Neuville S, Malaise O, Gillet P, Kurth W, Chariot A, Malaise M and de Seny D. - CEMIP (KIAA1199) induces a fibrosis-like process in osteoarthritic chondrocytes. - Cell Death Dis. 2019;10:103.

Charlier Edith, Deroyer Céline, Ciregia Federica, Malaise Olivier, Neuville Sophie, Plener Zelda, Malaise Michel, de Seny Dominique. Chondrocytes dedifferentiation and Osteoarthritis. Biochem. Pharmacol. 2019 Mar 29.Review.

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