Nature Communications

Identification d'une nouvelle cible pour le traitement des tumeurs du poumon



Les cancers du poumon restent très difficiles à soigner en raison d’un diagnostic souvent trop tardif mais aussi parce que les patients développent des résistances aux traitements. Un moyen de contourner ces résistances est d’administrer une combinaison de thérapies. Cette approche nécessite néanmoins que de nombreuses cibles thérapeutiques soient définies pour arriver à traiter ces tumeurs pulmonaires. L’équipe d’Alain Chariot (GIGA-Stem Cells, Laboratoire de Chimie Médicale) publie aujourd’hui ses résultats dans la revue Nature Communications. Cette étude a défini la protéine RNF113A comme nouvelle cible pour le traitement des tumeurs du poumon.

L

es chercheurs du GIGA se sont intéressés à ce candidat car il existe une pathologique génétique, la trichothiodystropie liée au chromosome X, causée par des mutations de perte de fonction de cette protéine RNF113A. Les patients souffrant de cette pathologie présentent une microcéphalie et un retard mental, ce qui suggère que certains de leurs neurones pourraient mourir de manière précoce au cours de l’embryogénèse. Si cette hypothèse est correcte, ceci voudrait dire que la protéine RNF113A, lorsque correctement exprimée, permet de promouvoir la survie cellulaire. Or la survie cellulaire accrue est une caractéristique fondamentale de toutes les cellules cancéreuses. Dès lors, l’équipe d’Alain Chariot a exploré l’hypothèse que la protéine RNF113A serait exagérément exprimée dans les tumeurs pulmonaires, ce qui permet aux cellules cancéreuses qui la peuplent de vivre trop longtemps.

Les tumeurs pulmonaires présentent des taux élevés de la protéine RNF113A. De plus, le Cisplatine, un agent chimio-thérapeutique capable d’induire des dommages à l’ADN, entraînant la mort des cellules cancéreuses, induit en fait l’expression de RNF113A. Il s’agit d’un mécanisme d’adaptation des cellules cancéreuses pour tenter d’échapper à la mort. L’inhibition de RNF113A augmente donc la mort induite par le Cisplatine via une accumulation des dommages à l’ADN. RNF113A fait partie du spliceosome, une machinerie dont le but est d’enlever des séquences des ARNs (« épissage des introns »), de manière à pouvoir générer plusieurs protéines à partir d’un seul gène. Cette régulation est essentielle pour pouvoir synthétiser des protéines requises pour la survie cellulaire. En inhibant RNF113A, l’épissage de milliers de transcrits ne se fait plus correctement et de nombreuses protéines de survie ne sont plus synthétisées correctement, ce qui conduit à la mort suite à un traitement au Cisplatine. A titre d’exemple, la protéine de survie MCL-1 a besoin de RNF113A pour être exprimée dans les cellules cancéreuses pulmonaires. Par ailleurs, des patients traités par des inhibiteurs pharmacologiques de BCL-2, une autre protéine de survie, développement des résistances à cet inhibiteur, notamment via une expression accrue de MCL-1. Dès lors, si nous combinons l’inhibition de BCL-2 avec celle de RNF113A, nous pouvons re-sensibiliser les cellules cancéreuses à la mort cellulaire. Dans le même ordre d’idée, des cellules cancéreuses devenues résistantes au Cisplatine peuvent à nouveau répondre à ce traitement si nous inhibons RNF113A. En conclusion, cette étude démontre le rôle de RNF113A et par extension du spliceosome dans le développement du cancer du poumon, dans la résistance au Cisplatine et aux inhibiteurs de BCL-2. Dès lors, RNF113A constitue une nouvelle cible thérapeutique pour le traitement des tumeurs pulmonaires, en particulier celles présentant des taux élevés de MCL-1. Ces résultats démontrent aussi l’intérêt de définir les rôles biologiques des gènes dont les pertes de fonction contribuent aux microcéphalies afin de définir de nouvelles cibles pour le traitement des cancers.

Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien du WELBIO, de la fondation belge contre le cancer, du FNRS/TELEVIE, de l’Université de Liège et des Fonds Léon Frédéricq.

 

Référence

The X-linked trichothiodystrophy-causing gene RNF113A links the spliceosome to cell survival upon DNA damage
Kateryna Shostak1,2,*, Zheshen Jiang1,2,*, Benoit Charloteaux1,3,*,£, Alice Mayer1,3, Yvette Habraken1,4, Lars Tharun5, Sebastian Klein5, Xinyi Xu1,2, Hong Quan Duong1,2,6, Andrii Vislovukh1,2, Pierre Close1,7,8, Alexandra Florin5, Florian Rambow9, Jean-Christophe Marine9, Reinhard Büttner5 and Alain Chariot1,2,8,µ
1Interdisciplinary Cluster for Applied Genoproteomics (GIGA), University of Liege, CHU, Sart-Tilman, Liège, Belgium, 2Laboratory of Medical Chemistry, University of Liege, CHU, Sart-Tilman, Liège, Belgium, 3GIGA Genomics Platform, University of Liege, CHU, Sart-Tilman, Liège, Belgium, 4Laboratory of Gene Expression and cancer, University of Liege, CHU, Sart-Tilman, Liège, Belgium, 5Institute for Pathology-University Hospital Cologne, Germany, 6Center for Molecular Biology, Institute of Research and Development, Duy Tan University, 03 Quang Trung, Danang, Vietnam, 7Laboratory of Cancer Signaling, University of Liege, CHU, Sart-Tilman, Liège, Belgium, 8Walloon Excellence in Life Sciences and Biotechnology (WELBIO), Wavres, Belgium, 9Laboratory for Molecular Cancer Biology, VIB Center for Cancer Biology and KULeuven, Department of Oncology, 3000 Leuven, Belgium, *Equal contributions
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