PUBLICATION DANS NATURE COMMUNICATIONS

Identification d’un nouveau rôle de la protéine TFIP11 dans la régulation de l’activité du spliceosome



Le laboratoire de Denis Mottet (Laboratoire de Gene Expression and Cancer, GIGA-Molecular Biology of Diseases) étudie depuis de nombreuses années les mécanismes qui régulent l’expression génique. Ces chercheurs viennent d’identifier le nouveau rôle d’une protéine nommée TFIP11 dans la régulation de l’activité du spliceosome, une machinerie cellulaire essentielle à la régulation de l’expression des gènes aux protéines requises pour les fonctions cellulaires. Cette étude positionne ainsi TFIP11 comme nouvelle cible pour le traitement du cancer.

Le spliceosome est une machinerie cellulaire essentielle à la régulation de l’expression des gènes. Parce que les cellules cancéreuses doivent exprimer de nombreux gènes pour assurer notamment leur prolifération illimitée et leur survie, elles utilisent intensivement le spliceosome. Par conséquent, le ciblage de protéines qui assurent le fonctionnement du spliceosome est de plus en plus considéré comme une stratégie prometteuse en thérapie anti-cancéreuse. C’est dans ce contexte que l’équipe de Denis Mottet s’intéresse à identifier les acteurs et les mécanismes moléculaires qui jouent un rôle essentiel dans l’activation du spliceosome.

A quoi sert précisément le spliceosome ? Pour qu’un gène encodé sur la molécule d’ADN soit produit en une protéine fonctionnelle dans la cellule, il existe une première étape intermédiaire qui consiste en la synthèse d’un pré-ARN immature. Ce pré-ARN immature doit ensuite être transformé en ARN mature, matrice de la future protéine. Pour cela, la cellule doit se débarrasser dans le pré-ARN des séquences non-codantes parfois qualifiées de séquences « inutiles ou poubelles » (les introns) et ne conserver que les séquences codantes (les exons). Ce mécanisme fondamental, appelé l’épissage (ou splicing en anglais), est assuré par le spliceosome qui coupe les introns et recolle les exons entre eux pour former l’ARN mature qui génère la protéine.

De quoi est constitué le spliceosome ? Le spliceosome est une grosse machinerie composée de 200 protéines qui interagissent ensemble et s’associent dynamiquement à 5 petits ARNs non codants baptisés U snRNAs (U1, U2, U, U5 et U6 snRNAs). Ces U snRNAs, dont l’un des plus importants est le U6 snRNA, sont les véritables « moteurs » du spliceosome et leur fonctionnalité doit être finement régulée.

Comment s’active le spliceosome ? Pour assurer le bon fonctionnement du spliceosome, tous les U snRNAs doivent être « étiquetés » ; c’est ce qu’on appelle leurs modifications post-transcriptionnelles qui sont de deux types : la 2’-O-méthylation et la pseudouridylation.

Qui ajoute ces « étiquettes »/modifications post-transcriptionnelles sur les U snRNAs ? Comment ce processus se déroule t il dans une cellule? Quel est l’impact de l’absence de modifications des U snRNAs sur le fonctionnement général du spliceosome et sur le comportement des cellules saines et cancéreuses?

Ces questions ont été abordées dans le cadre d’une étude récemment publiée dans le journal Nature Communications et réalisée en collaboration avec plusieurs laboratoires dont le laboratoire du Professeur Denis Lafontaine (RNA Molecular Biology) de l’Université Libre de Bruxelles. Les résultats de cette étude démontrent que l’inhibition de la protéine TFIP11 dans les cellules empêche spécifiquement l’ « étiquettage » de type 2’-O-méthylation du U6 snRNA. Les conséquences de cette absence de modifications sur U6 snRNA sont catastrophiques pour le spliceosome qui n’est plus capable de s’activer et de fonctionner correctement. Cette machinerie devenue défectueuse n’est plus capable d’enlever les introns « inutiles » dans les pré-ARNs ; ce qui empêche in fine la production de multiples protéines et impacte de nombreuses fonctions cellulaires. Dans ce travail, les chercheurs ont d’ailleurs démontré que les fonctions des cellules cancéreuses, telles que la prolifération et la survie, sont dramatiquement impactées lorsque la protéine TFIP11 est inhibée alors que les cellules saines restent, quant à elles, insensibles à l’inhibition de TFIP11.

Cette découverte permet donc de proposer TFIP11 comme nouvelle cible pour le traitement du cancer et ces résultats s’ouvrent aujourd’hui à une nouvelle collaboration avec des chimistes de l’Université de Namur (Laboratoire de Chimie Physique des Biomolécules). En effet, en terme de structure, ce travail a également mis en évidence que la protéine TFIP11 dispose théoriquement d’une signature particulière. Elle présente les caractéristiques d’une protéine dite désordonnée c’est à dire assez flexible et pouvant changer facilement de forme. A priori, cette absence de structure fixe pourrait rendre plus difficile la conception d’inhibiteurs appropriés. Toutefois, ce type de protéine dite déformable peut former des poches temporaires pour la liaison sélective de molécules thérapeutiques qui figeraient la protéine dans une conformation non désirable et bloquerait sa fonction. Cette nouvelle stratégie ciblant la structure de TFIP11 est actuellement à l’étude et pourrait à l’avenir compléter l’arsenal thérapeutique dans la lutte contre le cancer.

 

Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien du FNRS-FRIA, FNRS-TELEVIE, de l’Université de Liège et des Fonds Léon Fredericq.

 

Référence

 

Amandine Duchemin, Tina O’Grady, Sarah Hanache, Agnès Mereau, Marc Thiry, Ludivine Wacheul, Catherine Michaux, Eric Perpète, Eric Hervouet, Paul Peixoto, Felix G. M. Ernst, Yann Audic, Franck Dequiedt, Denis L. J. Lafontaine & Denis Mottet 

Nature Communications volume 12, Article number: 6648 (2021)  https://doi.org/10.1038/s41467-021-26932-2

Contact

Denis Mottet

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