Une publication dans eLife

La symphonie des ondes cérébrales durant le sommeil orchestre la mémoire et l’évolution vers la maladie d’Alzheimer



Photo : Shutterstock

Les récentes découvertes des chercheurs du GIGA publiées dans eLife pourraient permettre de détecter très tôt les individus à risques de développer la maladie d’Alzheimer, de les inclure dans des projets cliniques et à terme de mieux les prendre en charge pour la prévenir ou retarder la maladie.

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n sait depuis longtemps que le sommeil est important pour la mémoire. Plus récemment, la recherche a mis en avant que le sommeil pourrait contribuer à l’évolution des changements de la structure du cerveau qui nous poussent vers la maladie d’Alzheimer. Le sommeil participe en effet à l’élimination des résidus du fonctionnement cérébral, y compris les protéines qu’on considère à la base de la pathologie Alzheimer. L’accumulation de ces protéines (beta Amyloïde et Tau) perturbe en retour le sommeil dans une relation bidirectionnelle. 

Des chercheurs du Centre de Recherche du Cyclotron/In Vivo Imaging de l’Institut GIGA à l’ULiège (GIGA-CRC-IVI) viennent de démontrer que la coalescence des oscillations cérébrales durant le sommeil était liée à l’accumulation précoce de protéine bêta amyloïde dans le cerveau ainsi qu’à la mémoire. Les fuseaux du sommeil et les ondes lentes sont les deux types oscillations dominantes du sommeil « lent » qui constitue environ 70% du temps total de sommeil. Les deux oscillations participent aux fonctions de récupération du sommeil et de solidification de la mémoire. Ce que l’équipe du Dr Gilles Vandewalle, maître de recherches FNRS, et de ses collègues au GIGA-CRC-IVI vient de montrer est que le couplage précis des fuseaux et des ondes lentes est altéré lorsque la protéine amyloïde bêta commence à s’accumuler chez des personnes âgées de 50 à 70 ans dépourvues de tout problème cognitif. Si les fuseaux arrivent trop tôt sur les ondes lentes, c’est une indication qu’il y a plus de protéine amyloïde dans le cerveau. Les résultats indiquent aussi que si les fuseaux arrivent trop tôt sur les ondes lentes, les performances de mémorisation des volontaires qui seront mesurées 2 ans plus tard seront moins bonnes. Ce couplage a donc une valeur prédictive du devenir cognitif d’un individu et pourrait donc contribuer à un vieillissement pathologique.

« La médecine reste largement démunie face à maladie d’Alzheimer pour laquelle aucune solution thérapeutique curative n’existe. On sait cependant que les processus qui amènent à cette maladie, c.-à-d. l’accumulation de protéines « toxiques » pour le cerveau et la perte de synapses, commencent des décennies avant l’apparition des symptômes. L’enjeu des essais cliniques actuels est donc de tester chez des personnes à risques, détectée le plus loin possible en amont de la maladie, si une intervention médicamenteuse ou comportementale peut prévenir ou retarder l’arrivée des symptômes », explique Gilles Vandewalle.

La recherche du GIGA-CRC-IVI, menée en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Montréal et publiés dans le prestigieux journal eLife, apporte un éclairage nouveau sur le lien entre sommeil, cognition et maladie d’Alzheimer. Elle pourrait permettre de détecter très tôt les individus à risques de développer la maladie, de les inclure dans des projets cliniques et à terme de mieux les prendre en charge pour la prévenir ou la retarder. D’autres recherches permettront de savoir si améliorer la qualité du sommeil peut aider à ralentir le processus, voire même à l’inverser.

Référence scientifique

Timely coupling of sleep spindles and slow waves is linked to early amyloid-β burden and predicts memory decline, Daphne Chylinski1, Maxime Van Egroo1, Justinas Narbutas1,2, Vincenzo Muto1, Mohamed A. Bahri1, Christian Berthomier3, Eric Salmon1,2,4, Christine Bastin1,2, Christophe Phillips1,5, Fabienne Collette1,2, Pierre Maquet1,4, Julie Carrier6, Jean Marc Lina6, & Gilles Vandewalle1*, eLife – Tue May 31st 2022

1 GIGA-Cyclotron Research Centre-In Vivo Imaging, University of Liège, Liège, Belgium.

2 Psychology and Cognitive Neuroscience Research Unit, University of Liège, Liège, Belgium.

3 Physip SA, Paris, France.

4 Department of Neurology, University Hospital of Liège, Liège, Belgium.

5 GIGA-In Silico Medicine, University of Liège, Liège, Belgium.

6 Centre for Advanced Research in Sleep Medicine, CIUSSS-NÎM – Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, Montréal, QC, Canada


Cette recherche a été financée par des fonds émanent du FNRS, de l'ULiège, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Fondation Recherche Alzheimer, du fond FEDER européen et de la Fondation Léon Fredericq

Contact

Gilles Vandewalle

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