Publication dans Mol Ther Nucleic acids

Une nouvelle stratégie thérapeutique potentielle pour la maladie de Steinert



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Les laboratoires de Luc Willems (GIGA-Cancer) et Vincent Seutin (GIGA-Neurosciences) viennent de publier, en collaboration avec l’équipe de Denis Furling de l’Institut de Myologie de Paris, les résultats des travaux d’un ex-doctorant du FRIA, Florent Porquet. Cette étude établit les bases scientifiques d’une nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie de Steinert.

Cette maladie, aussi appelée dystrophie myotonique de type 1 (DM1), est causée par une répétition excessive de codons CTG dans la zone non-codante d’un gène appelé « DM1 protein kinase » (DMPK), ce qui amène à une accumulation massive de son ARN dans le noyau. Ceci induit une dysfonction d’enzymes d’épissage telles que MBNL, avec toute une série de répercussions fonctionnelles invalidantes dans différents types cellulaires. Les patients atteints de cette maladie ont une faiblesse musculaire et une incapacité à relâcher le muscle après sa contraction (« myotonie »). Ils souffrent également de nombreux autres symptômes du fait de l’atteinte du système nerveux (somnolence diurne excessive, troubles des fonctions exécutives) et d’autres organes (cardiomyopathie, cataracte, diabète). Il s’agit donc d’une maladie multisystémique.

Plusieurs stratégies ont déja été testées précédemment afin de réduire les effets délétères du mRNA pathologique, par exemple l’utilisation d’oligonucléotides antisens ou de petites molécules censées le cliver. Etant donné que le gène DMPK ne paraît pas absolument indispensable chez les mammifères (les souris invalidées pour ce gène ont un phénotype normal, sans doute en raison de la compensation de la fonction de DMPK par des enzymes proches), les chercheurs ont voulu inhiber sa transcription à l’aide de la technique CRISPRi, qui consiste en l’utilisation de « single-guide RNAs » couplés à une « dead Cas-9 » et à la protéine KRAB. Ils sont ainsi arrivés à inhiber la transcription du gène pathologique. Les résultats de l’étude montrent la remarquable sélectivité de cette approche sur le gène pathologique et sa capacité à restaurer certaines fonctions de cellules musculaires humaines DM1 in vitro. L’analyse transcriptomique effectuée par la plateforme GIGA-Genomics démontre en effet que certains des RNA guides testés sont parfaitement spécifiques pour DMPK, aucun autre gène ne voyant son expression modifiée.

Cette étude a nécessité des expertises très diverses et complémentaires. Le plus gros du travail moléculaire a été réalisé par Florent Porquet dans le laboratoire de Luc Willems. La technique du patch clamp a été utilisée par L. Weidong dans le laboratoire de Vincent Seutin pour étudier les répercussions de la stratégie thérapeutique sur l’excitabilité de cellules de muscle strié. Les résultats montrent que la stratégie ramène l’excitabilité pathologique des cellules DM1 au niveau de celle des cellules normales.

Toute cette étude a été réalisée in vitro. Il faut à présent évaluer dans quelle mesure cette stratégie peut fonctionner in vivo, en tenant compte de diverses contraintes (taille maximale possible des plasmides en fonction des virus à utiliser, capacité des virus à pénétrer les différents types cellulaires, etc…). Il sera également très important d’évaluer dans quelle mesure les cellules atteintes par la pathologie pourront être corrigées suffisamment au niveau de leur activité d’épissage.

Contact

Vincent Seutin

Référence

Specific DMPK-promoter targeting by CRISPRi reverses myotonic dystrophy type 1-associated defects in patient muscle cells.

Porquet F, Weidong L, Jehasse K, Gazon H, Kondili M, Blacher S, Massotte L, Di Valentin E, Furling D, Gillet NA, Klein AF*, Seutin V*, Willems L*

Mol Ther Nucleic acids 32, 857-871 (2023) doi: 10.1016/j.omtn.2023.05.007. eCollection 2023 Jun 13. (*equal participation of three last authors)

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