Publication dans Genome Biology

Un nouveau programme pour aider à concevoir des vaccins anti-cancer



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En étroite collaboration avec plusieurs équipes canadiennes, un chercheur du GIGA, Grégory Ehx, a créé un programme informatique permettant de découvrir des cibles de choix pour créer des vaccins anti-cancer. Les résultats obtenus avec ce programme montrent que de nombreuses cibles actuellement à l’étude pour produire ce type de vaccin pourraient induire des réactions auto-immunitaires. Cette étude fait l’objet d’une publication dans le journal Genome Biology.

Malgré d’importantes avancées récentes, le cancer reste l’une des principales causes de mortalité en Belgique. Parmi ces récentes avancées, l’immunothérapie est une stratégie reposant sur la capacité des cellules immunitaires à reconnaitre et éliminer les cellules tumorales. Au vu de leur versatilité et efficacité impressionnante lors de la pandémie de la COVID-19, les vaccins à ARN messagers offrent une nouvelle avenue immunothérapeutique prometteuse pour de nombreux cancers. Cependant, leur implémentation requiert d’être capable d’identifier des cibles vaccinales, qu’on appelle antigènes du MHC-I, qui soient spécifiques aux cellules cancéreuses (antigènes tumeur-spécifiques, ou ATS). C’est à ce problème que Grégory Ehx, chargé de recherches FNRS à l’ULiege (GIGA-I3, Laboratoire d'Hématologie), et ses collègues canadiens se sont attaqués en créant leur software, BamQuery.

A l’heure actuelle, la découverte d’ATS repose sur une technique nommée spectrométrie de masse qui analyse tous les antigènes des cellules tumorales. Il faut ensuite identifier quelles régions du génome ont généré ces antigènes, et comparer l’expression de ces régions entre les cellules tumorales et des cellules saines. Cette comparaison révèle enfin quels antigènes dérivent de régions génomiques uniquement exprimées par les cellules cancéreuses, ce qui permet de les qualifier d’ATS, et de les choisir comme cibles vaccinales. Cependant, les approches actuelles négligent trop souvent un aspect important : plusieurs régions génomiques différentes peuvent générer le même antigène ! Et donc il faut absolument tenir compte de toutes ces régions lorsqu’on compare cellules tumorales et normales. C’est précisément ce que fait BamQuery, il permet une étude simultanée de l’expression de toutes les régions génomiques capables de générer un antigène donné.

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Si l’on compare l’expression de l’antigène ALPVALPSL entre une cellule cancéreuse et une saine sur base uniquement de l’étude de la région génomique N°2, on peut conclure que l’antigène est un ATS, puisque cette région n’est exprimée que dans la cellule cancéreuse (à gauche). Cependant, l’étude simultanée des régions 1 et 2 montre que l’antigène est plus fortement exprimé dans la cellule saine, et n’est donc pas un ATS.

 

A l’aide de BamQuery et d’un vaste ensemble de données comprenant des milliers de tissus sains et d’échantillons cancéreux, les chercheurs ont étudié la spécificité tumorale de nombreux ATS rapportés dans des publications précédentes. Les chercheurs ont découvert qu’un nombre inquiétant d’entre eux (de 6 à 100% dépendamment de la publication considérée) étaient en fait exprimés dans un à plusieurs tissus sains, et pourraient donc déclencher des réactions auto-immunitaires indésirables s’ils sont ciblés par une immunothérapie. Ceci résultait principalement du fait qu’en général les études décrivant des ATS ne parviennent pas à identifier toutes les régions du génome capables de les produire. L’utilisation de BamQuery pour vérifier la sûreté de ces antigènes pourrait donc prévenir la survenue de plusieurs effets secondaires, possiblement mortels, dans les futures études cliniques de vaccination contre des ATS.

Enfin, les chercheurs ont exploré la capacité de leur programme à découvrir et choisir des ATS lors d’analyses exploratoires des antigènes cancéreux. Pour ce faire, ils ont analysé environ 7000 antigènes de cellules de lymphome non-hodgkinien, la forme de cancer du sang la plus fréquente chez l’adulte. Après comparaison entre cellules saines et cancéreuses avec BamQuery, les chercheurs ont identifié soixante-sept ATS, dont onze étaient hautement partagés entre les patients atteints de cette maladie. De plus, l’expression de ces ATS était associée à des réponses immunitaires évidentes chez les patients, suggérant qu’une vaccination stimulerait ces réponses et pourrait ainsi conduire à l’élimination du cancer. Ces ATS sont donc des cibles prometteuses pour développer un vaccin contre ce type de lymphome.

Désireux de partager au maximum leur outil, les chercheurs ont rendu leur programme totalement libre d’accès et ont créé un portail web https://bamquery.iric.ca/ permettant de tester les cibles vaccinales potentielles. Ils espèrent ainsi accélérer les progrès en matière de découverte vaccinale.

 

Référence

Ruiz Cuevas MV, Hardy MP, Larouche JD, Apavaloaei A, Kina E, Vincent K, Gendron P, Laverdure JP, Durette C, Thibault P, Lemieux S, Perreault C, Ehx G. BamQuery: a proteogenomic tool to explore the immunopeptidome and prioritize actionable tumor antigens.
Genome Biology, 2023

 

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Grégory Ehx

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