Publication dans Journal of Experimental Medicine

La libération excessive de filets d’ADN de neutrophiles dans les poumons pourrait expliquer les complications sévères chez les patients atteints de la Covid-19



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Une équipe multidisciplinaire de chercheurs du GIGA (ULiège) a détecté des quantités importantes de filets d’ADN dans plusieurs compartiments de poumons de patients décédés de la Covid-19. Ces filets, appelés NETs, sont relargués massivement dans les voies aériennes, dans le tissu pulmonaire et dans les vaisseaux sanguins. Cette libération excessive pourrait contribuer fortement aux complications sévères de la maladie menant à la mort des patients hospitalisés. Ces résultats sont publiés cette semaine dans le Journal of Experimental Medicine.

L

es neutrophiles sont des cellules immunitaires innées qui interviennent en première ligne de défense du système immunitaire. Activés de manière exagérée, ils peuvent cependant jouer un rôle toxique, comme dans le cas de maladies auto-immunes ou de maladies inflammatoires chroniques par exemple. Les neutrophiles ont en effet la capacité de libérer leur propre ADN à travers des filets d’ADN appelés Neutrophil Extracellular Traps ou NETs. Massivement libérés dans certains compartiments des poumons, ils peuvent entraîner des effets toxiques.

« Or, nous avons détecté des quantités importantes de NETs dans différents compartiments de poumons de patients décédés de la Covid-19 au CHU de Liège et porteurs de lésions histo-pathologiques de dommages alvéolaires diffus, alors que ces filets d’ADN étaient absents dans les poumons d’autres patients décédés d’une autre cause », explique le Pr Thomas Marichal, chercheur Welbio et ERC, et responsable du Laboratoire d’immuno-physiologie à l’Institut GIGA de l’Université de Liège. La présence de NETs dans les vaisseaux sanguins, le parenchyme pulmonaire et les voies aériennes pourrait expliquer la formation de caillots à l’origine d’événements thrombotiques et différents types de dommages tissulaires résultant d’une activation incontrôlée du système immunitaire se traduisant par la « tempête cytokinique ».

Composée également des Prs Cécile Oury (F.R.S.-FNRS, responsable du Laboratoire de cardiologie, GIGA, ULiège) et Philippe Delvenne (Chef du Service d’Anatomie Pathologique du CHU de Liège et directeur du Laboratoire de Pathologie Expérimentale, ULiège) et du Dr Coraline Radermecker (Chargée de Recherches du F.R.S-FNRS au Laboratoire d’immuno-physiologie, GIGA, ULiège), l’équipe liégeoise a pu caractériser la présence et la localisation précise de NETs dans les poumons au moyen de techniques d’imagerie associées à des analyses anatomo-pathologiques.

« Nous sommes la première équipe au monde à identifier la présence de NETs dans plusieurs compartiments des poumons de patients atteints de la Covid-19 », explique Coraline Radermecker, première auteure de cette étude publiée dans le Journal of Experimental Medicine.

« Des essais cliniques visant à dégrader ces NETs dans l’espoir d’améliorer l’état de patients à un stade avancé de la maladie sont menés par d’autres équipes dans le monde. Notre étude valide ces démarches thérapeutiques en montrant que ces NETs sont bien associés aux complications sévères de la Covid-19 », ajoute Thomas Marichal.

« Des approches pharmacologiques sont à portée de main, avec des médicaments déjà disponibles comme, par exemple, la dornase alfa utilisée dans le cadre de la mucoviscidose », explique Cécile Oury. Dans le cadre de la prévention et des traitements des complications thrombotiques, elle insiste également sur la nécessité de compléter les approches classiques qui recommandent l’usage de l’héparine. La lutte contre l’excès de libération de NETs apparait comme une voie complémentaire qui pourrait s’avérer efficace.

« Nous allons maintenant poursuivre nos recherches sur les effets de la Covid 19 sur d’autres organes, et notamment le cœur, autre organe fréquemment atteint dans cette maladie, et affiner encore notre connaissance des mécanismes qui conduisent aux formes sévères de la maladie », conclut Thomas Marichal.

 

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Source

‘Neutrophil extracellular traps infiltrate the lung airway, interstitial and vascular compartments in severe Covid-19’, The Journal of Experimental Medicine, DOI 10.1084/jem.20201012

 

Auteurs

Coraline Radermecker 1,2, Nancy Detrembleur 3,4, Julien Guiot 5,6, Etienne Cavalier 7, Monique Henket 5,6, Céline d’Emal 8, Céline Vanwinge 9, Didier Cataldo 9, Cécile Oury 8,5, Philippe Delvenne 3,4,5, Thomas Marichal 1,2,10

Prs Cécile Oury, Philippe Delvenne and Thomas Marichal contributed equally to the work

  1. Laboratory of Immunophysiology, GIGA Institute, Liege University
  2. Faculty of Veterinary Medicine, Liege University
  3. Department of Pathology, CHU University Hospital, Liege University
  4. Laboratory of Experimental Pathology, GIGA Institute, Liege University
  5. Pneumology department, CHU Liège, GIGA Institute, Liege University
  6. Laboratory of Pneumology, GIGA Institute, Liege University, 4000 Liege, Belgium.
  7. Medical Chemistry, CIRM Institute, Liege University
  8. Laboratory of Cardiology, GIGA Institute, Liege University
  9. Laboratory of Tumor and Development Biology, GIGA Institute, Liege University
  10. WELBIO, Walloon Excellence in Life Sciences and Biotechnology

 

Illustration

Neutrophil Extracellular traps (NETs), colorés en rose et vert, dans le poumon d’un patient ayant succombé à la Covid-19.

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Contacts pour la presse

  • Pr Thomas Marichal, Investigateur Welbio et ERC, Directeur du Laboratoire d’Immuno-physiologie, Unité GIGA-I3 de l’Université de Liège
    +32 499 73 70 20 / t.marichal@uliege.be
  • Pr Cécile Oury, Directrice de recherches F.R.S-FNRS, Directrice du Laboratoire de Cardiologie de l’unité GIGA-Cardiovascular de l'Université de Liège, Présidente de la Société Belge de Thrombose et Hémostase (BSTH)
    +32 4 366 24 87 / cecile.oury@uliege.be
  • Pr Philippe Delvenne, Chef du Service de pathologie et du Laboratoire d’Anatomie Pathologique du CHU de Liège, Université de Liège
    +32 4 366 24 11 / p.delvenne@uliege.be
  • Dr Coraline Radermecker, Chargée de Recherches F.R.S-FNRS au Laboratoire d’immuno-physiologie, Unité GIGA-I3 de l’Université de Liège
    +32 4 366 36 71 / C.Radermecker@uliege.be

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